[ Pobierz całość w formacie PDF ]
par rapport à l’expansion et non pas premier. L’espace est le résultat d’une expansion, ça c’est
une idée qui, pour un Grec classique, serait incompréhensible. C’est une idée qui vient d’Orient.
Que la lumière soit spatialisante, ce n’est pas elle qui est dans l’espace, c’est elle qui constitue
l’espace. Ce n’est pas une idée grecque.
L’art byzantin
Encore quelques siècles après éclate une forme d’art qui a une très grande importance, l’art
byzantin. C’est un problème pour les critiques d’art que de rechercher en quoi, à la fois l’art by-
zantin reste lié à l’art grec classique, et, d’un autre point de vue, rompt complètement avec l’art
grec classique. Si je prends le meilleur critique à cet égard, Riegl, il dit une chose rigoureuse
: « Dans l’art grec, vous avez un primat de l’avant-plan. » La différence entre l’art grec et l’art
égyptien, c’est que dans l’art grec se fait la distinction d’un avant-plan et d’un arrière-plan, tan-
dis que dans l’art égyptien, en gros, les deux sont sur le même plan – le bas-relief. Je résume
très sommairement. L’art grec, c’est le temple grec, c’est l’avènement du cube. Les égyptiens,
c’était la pyramide, des surfaces planes. Où que vous vous mettiez vous êtes toujours sur
www.webdeleuze.com
une surface plane. C’est diabolique, car c’est une manière de cacher le volume. Ils mettent le
volume dans un petit cube qui est la chambre funéraire, et ils mettent des surfaces planes,
des triangles isocèles, pour cacher le cube. Les égyptiens ont honte du cube. Le cube, c’est
l’ennemi, c’est le noir, l’obscure, c’est le tactile. Les grecs inventent le cube. Ils font des temples
cubiques, c’est-à-dire qu’ils décalent l’avant-plan et l’arrière-plan. Mais, dit Riegl, il y a un primat
de l’avant-plan, et le primat de l’avant-plan est lié à la forme parce que c’est la forme qui a le
contour. C’est pour ça qu’il définira le monde grec comme un monde tactile-optique. Les byzan-
tins, c’est très curieux. Ils nichent les mosaïques, ils les reculent. Il n’y a pas de profondeur dans
l’art byzantin, et pour une raison très simple, c’est que la profondeur, elle est entre l’image et
moi. Toute la profondeur byzantine, c’est l’espace entre le spectateur et la mosaïque. Si vous
supprimez cet espace, c’est comme si vous regardiez un tableau hors de toute condition de
perception – c’est odieux. Les byzantins font un coup de force énorme. Ils mettent le privilège
dans l’arrière-plan, et toute la figure va sortir de l’arrière-plan. Toute l’image va sortir de l’arriè-
re-plan. Mais à ce moment-là, comme par hasard, la formule de la figure ou de l’image, ce n’est
plus forme-contour. Forme-contour, c’était pour la sculpture grecque. Et pourtant il y a bien une
limite, il y a même des contours, mais ce n’est pas ça qui agit, ce n’est plus par là que l’œuvre
agit, contrairement à la statuaire grecque où le contour capte la lumière. Pour la mosaïque
byzantine, c’est lumière-couleur, c’est-à-dire que ce qui définit, que ce qui marque les limites,
ça n’est plus forme-contour, mais c’est le couple lumière-couleur – c’est-à-dire que la figure se
poursuit jusqu’où va la lumière qu’elle capte ou qu’elle émet, et jusqu’où va la couleur dont elle
est composée. L’effet sur le spectateur est prodigieux, à savoir qu’un œil noir va exactement
jusqu’où ce noir rayonne. D’où l’expression de ces figures dont le visage est dévoré par les yeux.
En d’autres termes, il n’y a plus un contour de la figure, il y a une expansion de la lumière-cou-
leur. La figure ira jusqu’où elle agit par lumière et par couleur. C’est le renversement du monde
grec. Les grecs n’avaient pas su ou pas voulu procéder à cette libération de la lumière et de
la couleur. C’est avec l’art byzantin que se libèrent et la couleur et la lumière par rapport à
l’espace parce que ce qu’ils découvrent, c’est que la lumière et la couleur sont spatialisantes.
[ Pobierz całość w formacie PDF ]